Ancien événement

24/05/2014« Méconnaissances de l’islam »

 « Méconnaissances de l’islam »

séminaire

Samedi 24 mai de 9h30 à 18h

à la BnF (site François Mitterrand)

Salle 70
quai Panhard, 75013 Paris

Métro Bibliothèque nationale de France

 

 

S’inscrivant dans le sillage du colloque « Mimetic Theory and Islam » organisé par Wolfgang Palaver au Heythrop College de Londres en novembre 2013, et conçu parallèlement à la grande exposition sur « Le pèlerinage à la Mecque » à l’Institut du monde arabe de Paris, cette journée d’étude réunira des universitaires et des jeunes chercheurs de diverses disciplines (lettres, histoire, philosophie, sociologie). L’objectif est de confronter la pensée de René Girard aux questions historiques, philosophiques et anthropologiques liées à l’émergence de l’islam, à son évolution historique et à ses rapports avec l’Occident.

 

La méconnaissance spécifiquement religieuse se constitue, selon René Girard, dans une logique mimétique. Ce qui implique qu’il n’y a aucune dissociation possible entre les voies par lesquelles une religion se méconnaît elle-même et celles par lesquelles elle méconnaît les autres religions, celles qui l’avoisinent ou la précèdent. Ceci commande donc d’examiner l’hypothèse selon laquelle, dans la constitution des supposées « identités » religieuses, la rivalité mimétique joue à plein, entre les groupes relevant de la même confession, comme entre les communautés de confessions différentes.  

 

Notre intention est d’explorer quelques-unes des manières par lesquels la communauté d'islam a pensé sa naissance et son histoire, et conjointement les façons dont elle-même a été appréhendée par des auteurs ou des institutions qui lui étaient extérieurs. L’intitulé « Méconnaissances de l’Islam » voudrait refléter cette dualité ; aussi cette journée d’étude s’organisera selon le double sens du génitif : l’Islam méconnu et l’Islam méconnaissant.

 

C’est une idée récurrente de la philosophie, au moins depuis Socrate, que les pratiques religieuses enveloppent une méconnaissance dont elles sont issues, et qu’elles contribuent à perpétuer : méconnaissance de la véritable nature des dieux, ou de l’exacte provenance des mythes, du sens vrai des rites, ou encore de ce qui doit faire lien entre les membres d’une société juste. Selon cette approche, qui se réitère dans la pensée européenne jusqu’à Marx, Durkheim et Freud et au-delà, la religion paraît produite par la méconnaissance, et tout aussi bien produire et reproduire la méconnaissance à la fois d’elle-même et des autres cultes, des communautés autres. Ces incompréhensions, autant croisées qu’intéressées, seraient alors au principe d’une élaboration des différences, par lesquelles chaque tradition se pose, non seulement en s’opposant aux autres – celles qui la précèdent et celles qui l’avoisinent – mais aussi en prétendant s’y reconnaître – voire même en proclamant le dessein de les prolonger, de les achever, pour les clore ou les parachever. De telles logiques combinent paradoxalement les deux mouvements, apparemment contradictoires, du forçage des petites différences – ce qui supposément distingue d’avec le proche et le semblable – et de l’identification abusive de l’autre à soi – par laquelle on œuvre à la captation et à la capitalisation des héritages rituels et spirituels des autres.

 

Au sein de l’actuelle anthropologie des religions, l’œuvre de René Girard témoigne, par certains de ces aspects, de la vivacité persistante de ce courant d’analyse des faits religieux en termes de méconnaissance. Mais cet auteur suggère aussi, avec insistance, que les cultes monothéistes auraient su se déprendre  partiellement de ces constitutions mimétiques du soi communautaire et de son altérité. Car ils seraient forts d’une révélation qui aurait précisément dévoilé et dénoncé cette méconnaissance, indissociablement de soi et des autres, qui anime les processus de constitution des communautés – lesquelles s’avèrent par là fondées sur la pieuse hypocrisie, la violence dissimulée et l’imposture.

 

Il se pourrait cependant que, malgré ce savoir des prophètes, le devenir historique conjoint des trois monothéismes ne soit nullement exempt de ces logiques mimétiques, au cœur de l’entreprise de refonder perpétuellement la foi et le soi communautaire, chacun sous le regard des autres traditions, et les regardant à son tour. Car chacun de ces trois cultes paraît soucieux à la fois de se distinguer des deux autres, et en même temps de fonder sa prétention à les contenir, à mieux connaître qu’eux-mêmes la part de vérité qu’ils envelopperaient et méconnaîtraient tout à la fois. Mais cette méconnaissance, peut-être consubstantielle à toute religion, semble avoir elle-même fait l’objet, dans les pensées d’islam, d’un souci irréductiblement singulier, bien que souvent méconnu, ou mal compris. On sait la réserve pluriséculaire des traditions musulmanes vis-à-vis de tout ce qui tend à décoller le culte de sa littéralité et de sa ritualité, dans ces opérations de la pensée interprétative par lesquelles elle cherche à donner du sens, à trouver des raisons ou des symboles, des rationalisations en somme du fait religieux. Or cette réserve paraît aussi envelopper une forte lucidité, non seulement quant à cette méconnaissance, qui est le fonds de tous les cultes, mais aussi quant aux puissances dirimantes de la pensée, lorsqu’elle prétend rendre raison de ce qui peut-être constitue son dehors le plus étranger, sa plus grande altérité : la ritualité et son efficience spécifique, qui plausiblement présuppose la méconnaissance et la reconduit.

 

Approcher l’islam selon l’angle de la méconnaissance, c’est alors assumer le fait que cette tradition ne peut être

correctement envisagée si l’on néglige la double hypothèse suivante :

1. Pour des raisons qui tiennent à leur propre méconnaissance d’eux-mêmes, l’islam a été méconnu par ses rivaux en revendication monothéiste, et même par presque tout dans ce qu’il est convenu d’appeler l’Occident – ce fait d’avoir été méconnu ayant partiellement déterminé l’histoire et l’identité propres des cultures musulmanes ;

2. Pour des raisons qui ne sont pas essentiellement différentes, l’islam pourrait s’avérer lui-même partiellement méconnaissant – des autres traditions cultuelles et aussi, derechef, de lui-même.

 

Islam méconnu, islam méconnaissant, ces deux hypothèses constituent les deux axes de réflexion et de recherche autour desquels s'organisera le séminaire.

 

 

PROGRAMME

Matinée : L’islam méconnu

Présidence de séance : Benoît Chantre

9h30 – 10h : Daniel Russo : « Art et artistes de la Croisade face à l’islam, XIIème et XIIIème siècle »

10h – 10h30 : François Athané et Isabelle Schlichting : « Garces d’excellente beauté. Regards de Montaigne et Pascal vers le paradis des autres »

10h30-10h45 : Questions

10h45 -11h : Pause

11h – 11h30 :Dominique Carnoy-Torabi : « Le harem, entre Carmel et Saint-Lazare »

11h30 – 12h : Luc Chantre : « Le pèlerin sacrifié. Le hajj à l’épreuve de la modernité sanitaire (1866-1914) »

12h – 12h30 : Questions

 

 

 

Après-midi : L’islam méconnaissant

Présidence de séance : François Athané

14h30 – 15h00 Omar Saghi : « Sens et sacrifice : l’enjeu herméneutique en Islam au regard de la question sacrificielle »

15h00 – 15h30 Yacine Belambri : "Anthropologie girardienne et violence fondatrice : une lecture de l'islam".

15h30 – 16h00 Questions

Pause

16h15 – 17h00 Table ronde conclusive de tous les intervenants, animée par Abdelwahab Meddeb ( présence à confirmer)

 

INTERVENANTS :

François Athané, agrégé et docteur en philosophie. Laboratoire Sciences, normes, décision (CNRS & université Paris-Sorbonne)

Yacine Belambri, docteur en sociologie, membre du LERSEM (laboratoire d'études et de recherches en sociologie et en ethnologie de Montpellier) de l'université Paul Valéry à Montpellier.

Luc Chantre, docteur en histoire, chercheur au CRIHAM (Centre de Recherche Interdisciplinaire en Histoire, Histoire de l’Art et Musicologie)

Dominique Carnoy-Torabi, docteur en littérature française, chercheur indépendant, Téhéran.

Omar Saghi ,docteur en sciences politiques, écrivain, commissaire général de l’exposition “Hajj, le pèlerinage à La Mecque, à l’Institut du Monde Arabe

Isabelle Schlichting, agrégée de lettres, ancienne élève de l’école normale supérieure, professeur en classes préparatoires, Strasbourg.

Daniel Russo, professeur à l’université de Bourgogne, membre senior de l’Institut universitaire de France.

 

 
Dernière modification : 08/04/2014

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