Ancien événement

10/04/2021 15:00Ce que la Pietà d’Avignon donne à voir et à entendre

Conférence d'Olivier Rey dans le cadre du cycle "Violence et représentation" :


" Ce que la Pietà d’Avignon donne à voir et à entendre "

 

Pieta d'Avignon

 

 

Pour l’historien de l’art Wolfgang Schöne, l’histoire des images de Dieu en Occident fut marquée par une phase de visibilisation croissante, culminant dans la seconde moitié du XVe siècle, suivie d’une phase de visibilisation décroissante, reconduisant à l’invisible. À travers le mystère de l’Incarnation, Dieu se donnait toujours plus à voir dans la forme humaine ; mais quand la forme humaine devint la véritable référence – comme c’est le cas au plafond de la Sixtine, peint par Michel-Ange au début du XVIe siècle –, celle-ci devint également inapte à figurer Dieu. Peinte au milieu du XVe siècle, la Pietà d’Avignon, d’Enguerrand Quarton, se situe à peu près au point culminant de la visibilité divine. Appartenant encore à l’ère de l’image, mais précédant de très peu l’ère de l’art, cette œuvre nous donne la possibilité d’apprécier, à partir d’elle, l’ensemble de la trajectoire.

 

 

Après avoir étudié à l’École polytechnique, Olivier Rey a été officier de marine, puis a obtenu un doctorat de mathématiques. Depuis 1989 il est chargé de recherche au CNRS, au sein duquel il est passé, en 2009, de la section mathématiques à la section philosophie. Il est membre de l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, et enseigne à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Il a reçu le Prix Bristol des Lumières 2014, pour Une question de taille, Stock, 2014; le Grand Prix de la Fondation Prince Louis de Polignac 2015; le Prix Jacques Ellul 2019, pour Leurre et malheur du transhumanisme, DDB, 2018.

 

 

 

 

Olivier Rey vient de faire paraître aux éditions Conférences :   

Gloire et misère de l’image après Jésus-Christ.

 

Gloire et misère

 

Voici la critique de Jean-Claude Guillebaud (La Croix, 14/10/2020) :

 

Certains livres, de prime abord, sont intimidants. On est admiratif mais (un peu) craintif. Que vais-je faire de celui-ci ? Où trouverai-je le temps de le lire posément ? Vais-je le mettre de côté pour y revenir plus tard ou à la saint-glinglin ? Vais-je tourner autour sans avoir le courage de m’y plonger pour de bon ? Il m’est arrivé une chose comme ça, avec le dernier livre d’Olivier Rey (Gloire et misère de l’image après Jésus-Christ, éditions Conférence). L’ouvrage est magnifiquement fabriqué, relié, enrichi d’illustrations en couleur, notamment des œuvres de grands peintres.

 

Cette profusion d’images surprend. Puis, on comprend qu’elle est directement liée au projet de l’auteur. Olivier Rey, dont j’ai eu la chance d’être l’éditeur, est un personnage peu commun. Si je ne m’interdisais pas les éloges hyperboliques, je dirais qu’il est « éblouissant » d’intelligence. Et d’érudition. Son parcours en témoigne. D’abord polytechnicien, puis professeur de mathématiques à Polytechnique et chercheur en mathématiques au CNRS, il a fini par préférer la philosophie. Il parvint – ce qui n’était pas facile – à changer d’institut au CNRS pour passer de la science à la philo. Je rappelle tout cela pour montrer que son audace intellectuelle et sa liberté de penser sont arrimées sur du solide.

 

On avait rarement parlé du christianisme avec pareille volonté d’en mieux saisir l’histoire, les vicissitudes et la façon dont il est à la fois la source et le meilleur pourfendeur de la modernité.

 

Je crois avoir lu (à peu près) tous ses livres. Mais ce dernier ouvrage restera longtemps sur ma table de nuit comme « livre de chevet ». Je suis déjà convaincu d’une excellence : on avait rarement parlé du christianisme avec pareille volonté d’en mieux saisir l’histoire, les vicissitudes et la façon dont il est à la fois la source et le meilleur pourfendeur de la modernité.

 

Dès l’introduction, Olivier Rey évoque en ces termes le paradoxe. « D’un côté, le christianisme n’est pas responsable d’une situation (en Europe) qui, à bien des égards, est contraire à l’essentiel de ses enseignements. De l’autre, pareille situation n’aurait pu advenir sans le christianisme. » Comme caractéristique de cette « situation », on peut citer la prolifération extravagante des images qui fait penser à la onzième plaie d’Égypte. 

 

Citant le philosophe Günther Anders (1902-1992) qui fut l’époux de Hannah Arendt, il n’hésite pas à parler de « cancer imagier ». Auparavant, certes, il y avait des images dans le monde, mais aujourd’hui le monde est recouvert par un mur d’images – ou plutôt de visuels – qui, par leur surabondance même, propagent une « inat­tention » généralisée au monde.

 

Dans le chapitre 12, intitulé « L’image chrétienne occidentale », il s’interroge sur le statut de l’icône dans le christianisme orthodoxe et sur la résistance du monde latin. Par le biais de l’iconoclasme et des « iconoclastes », l’Occident contesta le caractère sacré des icônes et l’adoration superstitieuse dont les images étaient l’objet. La place me manque dans ce Bloc-Notes pour évoquer, comme Olivier Rey, le fait, le sens réel de cette longue querelle au sujet des images qui divisa pendant des siècles le monde chrétien.

Du coup, observe-t-il, « l’Église latine a évité de trop creuser la question des images ». Il me faudrait de nombreux Bloc-Notes pour rendre compte de la richesse de ce très grand livre. J’y reviendrai à coup sûr. Comment faire autrement ?

 

 

 

 
Dernière modification : 19/04/2021
Lieu : Par Zoom

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