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75009 Paris
M°Havre Caumartin ou St-Lazare
Dans Shakespeare. Les Feux de l’envie, René Girard accorde une place toute particulière aux Sonnets. Il les situe parmi les œuvres de premier plan du poète-dramaturge. Il voit même en eux le creuset de toute la création de l’écrivain. « Certains sonnets, écrit-il, sont si spectaculaires du point de vue qui nous occupe [la théorie mimétique] que j’ai longtemps caressé l’idée de commencer [mon étude] par eux. » Parlant des Sonnets, René Girard dit encore qu’il voit « dans [leur] auteur le meilleur interprète de ses propres œuvres. » L’année 2016 étant celle de la commémoration de la mort de Shakespeare, le 23 avril 1616, il est bon de se pencher sur son œuvre la moins connue et sûrement la plus personnelle.
À travers les Sonnets, on peut retrouver tout le langage mimétique cher à René Girard. Mieux même, la puissance du verbe shakespearien, son énergie poétique renforcent notre perception des grands thèmes tels que la rivalité mimétique, le modèle-obstacle, la jalousie, la méconnaissance, le double bind, jusqu’à la « conversion créatrice » ou « conversion romanesque ». Inspirateur de Girard, Shakespeare se révèle être… son meilleur élève ! C’est à la lumière des Sonnets que je propose d’aborder la théorie mimétique. Il s’agit moins d’« expliquer » la poésie de Shakespeare que de s’approcher de ce que Shakespeare nous explique à travers ses Sonnets. Cela peut se faire à partir d’une lecture de quelques sonnets choisis.
Extraits (dans ma traduction)
Le triangle mimétique - Sonnet 42 :
Tu l’aimes parce que tu sais bien que je l’aime ;
Et parce qu’elle m’aime, elle se joue de moi,
Laissant celui qui m’aime approuver son dessein.
Si je te perds, le gain est pour celle que j’aime,
Si je la perds, mon ami recouvre ma perte…
La jalousie mimétique « dans laquelle le sujet œuvre activement à son malheur », comme le rappelle Jean-Pierre Dupuy dans son dernier ouvrage - Sonnet 61 :
Est-ce ta volonté de maintenir ouverts
Mes yeux ensommeillés dans la nuit harassante ?
Est-ce là ton désir de briser mon repos
Quand ton ombre apparaît qui abuse ma vue ?
[…]
Non ! ton amour est grand mais pas aussi puissant :
C’est mon amour qui maintient mon œil éveillé,
Seul mon fidèle amour terrasse mon repos,
Et s’il se fait gardien, c’est par amour pour toi.
Joël Hillion
Joël Hillion est professeur d’anglais, passionné de Shakespeare et de René Girard. membre de l'ARM. Il s’est consacré, depuis de nombreuses années, à interpréter l’œuvre du poète anglais à la lumière de la théorie mimétique. Joël Hillion est notamment l'auteur de "Le désir mis à nu", "Shakespeare et son double" et plus récemment Les"Sonnets de Shakespeare" (édition L'Harmattan), traduit et commenté par Joël Hillion
Joël Hillion a participé au colloque organisé en 2012 par l'ARM et l'Institut du Monde anglophone "Girard, lecteur de Shakespeare" (écouter le colloque). Il a également animé en juin 2015 le ciné-club sur le film "Beaucoup de bruit pour rien", ("Much Ado About Nothing") de Kenneth Branagh.
Œuvres publiées :
aux Éditions du Club Zéro :
2011 : Les Sonnets de Shakespeare, traduction originale
2015 : Shakespeares Sonnets, édition bilingue
aux Éditions de L’Harmattan :
2011 : Shakespeare et son double,
Les sonnets de Shakespeare à la lumière de la théorie mimétique de René Girard, essai
2012 : Le Désir mis à nu,
Le désir mimétique révélé à travers le langage de Shakespeare dans les Sonnets, essai
2015 : Les Sonnets de Shakespeare, édition bilingue, traduction et commentaires, 774 pages