Introduction Sciences

La psychologie constitue un champ d’application tout indiqué pourla pensée de René Girard et plusieurs psychologues et psychiatres ont développéles intuitions déjà élaborées dans Mensongeromantique et vérité romanesque (où se trouve exposée pour la première foisla théorie du désir « triangulaire ») ou Des choses cachées depuis la fondation du monde (où il s’agit del’ébauche d’une pensée psychiatrique à proprement parler). Dans ce dernierlivre, Girard, en dialogue avec deux psychiatres, Jean-Michel Oughourlian etGuy Lefort, propose un dépassement de l’optique freudienne et une compréhensionrenouvelée des maladies mentales.


Pour Girard, ce n’est pas une pulsion spontanée qui nous pousse àdésirer telle ou telle chose, mais plutôt l’influence, avouée ou non, d’unmodèle adoré et, dans la mesure où celui-ci entre en compétition avec sonimitateur, détesté et perçu comme un obstacle. Les symptômes pathologiquessurgissent dans le contexte d’une rivalité mimétique aigue. A mesure quel’objet du différend passe à l’arrière-plan ou même disparaît pour donner lieuau seul face à face entre deux concurrents fascinés, le sujet risque à toutmoment de perdre contact avec le réel et de basculer dans la psychose.Cependant les récits de persécution et les hallucinations des patients atteintsde troubles psychiques témoignent à rebours d’une réalité que la psychiatrietraditionnelle aussi bien que freudienne ne veut pas voir : le primat del’autre dans la formation et l’entretien de ce que nous appelons courammentnotre « moi », que Jean-Michel Oughourlian va jusqu’à nommer« moi-du-désir ». De récentes découvertes en psychologie génétique eten neurosciences (« neurones miroirs ») viennent conforter les thèsesgirardiennes.



Convergencesentre les recherches en sciences et l’hypothèse mimétique de René Girard.


Dès les années 70 à Seattle lesexpériences d’Andrew Meltzoff démontrent la primauté de l’imitation chez lesnouveau-nés, bouleversant les idées reçues dans ce domaine. Contrairement à ceque pensait Piaget, les enfants n’apprennent pas à imiter à un stadedéveloppemental tardif mais au contraire sont des imitateurs dès la naissance.Ou, comme l’a dit Andrew Meltzoff : les enfants sont des « Girardiens naturels».


Les découvertes en neurosciences,et notamment la découverte des « neurones miroirs » par les chercheurs de Parme(Frans de WAAL, Jean DECETY et Vittorio GALLESE) dans les années 90, résonnentde manière suggestive avec les hypothèses girardiennes. Les neurones miroirssont des cellules cérébrales qui s’activent lorsqu’on fait un geste etlorsqu’on voit quelqu’un faire un geste (surtout si ce geste possède un butdéfini). Ces cellules ne font aucune différence entre l’exécution etl’observation d’une action. Autrement dit, nous entrons en relation avec lesautres, grâce à notre « système miroir » à un niveau profond et de manièreinconsciente. Il se peut que ces neurones constituent les bases de noscapacités imitatives en nous permettant de comprendre les intentions del’autre, au-delà des clivages cartésiens entre l’esprit et le corps.

Ces nouvelles donnéesneurophysiologiques donnaient ainsi une assise scientifique solide à la théoriemimétique développée par René GIRARD à partir des grands textes littérairesqui, depuis Homère, participent à la culture occidentale.



Toutes ces convergences commencent à susciter l’intérêt des chercheurs et un volume collectif vient de paraître aux Etats-Unis (parmi les collaborateurs : Vittorio Gallese, Andrew Meltzoff, Jean-Michel Oughourlian):


--Scott Garrels, ed. Mimesis and Science : Empirical Research on Imitation and the Mimetic Theory of Culture and Religion, Michigan State University Press, 2011.


Une bonne introduction aux neurones miroirs est paru en français aux Editions Odile Jacob :

--Giacomo Rizzolati et Corrado Sinigaglia, Les Neurones miroirs, Odile Jacob, 2008.


Jean-Michel Oughourlian, neuro-psychiatre, co-auteur du livre "Des choses cachées depuis la fondation du monde", a consacré deux  livres à la psychiatrie, la question de la rivalité au sein des couples et le lien avec les neurones miroirs :


--  Un mime nommé désir, Grasset, 1982

-- Le troisième cerveau, Albin Michel, 2013

-- Genèse du désir, Carnets Nord, 2007.


En français, texte de Simon de Keukelaere paru dansAutomates Intelligents :

--« Des découvertes révolutionnaires en sciences cognitives :Les paradoxes et dangers de l'imitation » (2005)

http://www.automatesintelligents.com/labo/2005/mar/neuronesmiroir.html



Entretien avec Jean-Michel Oughourlian




 
Dernière modification : 07/12/2015